A partir d'un travail de terrain mené dans le massif montagneux des Bauges, en Savoie, et plus précisément dans le canton du Châtelard, cette thèse ouvre des pistes de recherche sur les nouveaux rapports au temps et à l'espace, et sur la façon dont les individus font société dans le monde rural contemporain. Le territoire étudié, après avoir été déserté, est aujourd'hui le point de chute d'une immigration. Des populations d'origines variées s'y côtoient et, tout en demeurant mobiles et insérées dans divers réseaux transcendant la localité, tentent de construire du commun. Dans le même temps, le Parc naturel régional et d'autres institutions élaborent des projets patrimoniaux présentés comme fédérateurs. Or, si ceux-ci remportent un franc succès auprès des touristes, ils sont contestés par les habitants du territoire qui, manifestement, ne se reconnaissent pas dans l'image qui est donnée d'eux. Face à l'histoire mise en valeur par le patrimoine, qui insiste sur la continuité du territoire et qui a tendance à faire d'eux les spectateurs d'une réalité sur laquelle ils n'ont que peu de prise, les habitants ont recours à une mémoire par laquelle ils se décrivent comme les acteurs d'un territoire et d'une communauté en train de se construire. Loin de se calquer sur un modèle venu des villes, la localité qu'ils tentent de produire se révèle donc un lieu d'expérimentation, où se créent en particulier de nouvelles formes d'espaces publics, permettant un engagement direct et sans intermédiaire des individus dans le domaine politique.