Monsieur le Ministre, Mesdames et messieurs, chers collègues
Comme le veut, non pas la tradition, mais bien la décision des instances de la Fédération, c’est à nouveau un membre du CORP qui a été chargé de vous présenter la synthèse de ce congrès.
Vous avez choisi le thème "Homme-Nature, le contrat en question, les réseaux en action". C’est donc le sujet dont nous avons discuté ces deux derniers jours dans ce remarquable écomusée de Marquèze, qui a inspiré plusieurs Parcs et qui restera gravé dans la mémoire de plusieurs d’entre nous comme l’expérience curieuse d’une île au milieu d’un océan vert.
Michaël WEBER et Renaud LAGRAVE ont argumenté le choix de ce thème dans la continuité des travaux de la première Université d’été des Parcs, qui a eu lieu l’an dernier à Lourmarin, et dans la perspective du 50ème anniversaire de la création des « Parcs naturels régionaux ».
Les membres du CORP ont souhaité présenter cette synthèse en la resituant dans le temps long de l’histoire des Parcs, pour rappeler leurs spécificités et afin de mieux mettre en avant les apports des contributions et des débats de ce congrès 2016 à la préparation d’un manifeste pour le cinquantenaire.
Premièrement, il s’agit de nouvelles représentations des rapports Homme-Nature
Cette question de « la relation homme-nature » est au cœur même de l’action des Parcs depuis leur création par un décret signé le 1er mars 1967 par le général De Gaulle. Pour s’adapter à la diversité du territoire national, il est clairement mis en avant dès son origine qu’un PNR doit être l’œuvre de l’initiative locale.
Dans le cadre des missions qui leur ont été confiées, les Parcs ont su montrer dans leur diversité que la protection de la nature était conciliable avec le développement des activités humaines. Le contexte économique et social a profondément changé depuis les années 60 et les Parcs ont fait évoluer leurs priorités et leurs pratiques, comme le montre l’analyse du contenu des chartes successives.
Par exemple, la comparaison des 4 chartes du PNR Scarpe-Escaut, depuis celle de 1968 à celle de 2010, témoigne d’un réel changement de regard des porteurs du projet du Parc sur la nature. Le patrimoine naturel présenté initialement comme un espace à protéger des interventions humaines fait progressivement l’objet d’une approche systémique pour promouvoir une gestion intégrée du territoire. L’approche « bio-centrée » de la nature, si possible sans présence d’activité humaine, fait ensuite place à une démarche « éco-centrée », puis « multi-centrée » prenant en compte les interactions des acteurs du parc et de leur environnement. La place des habitants dans les chartes passe d’une pratique d’accueil de tous (résidents et non résidents) à celle de la promotion de méthodes participatives pour une cogestion écologique des différentes parties du territoire.
Tout d’abord, et dans le prolongement des débats de l’université d’été des Parcs de 2015, les interventions d’ouverture ont montré que nous sommes désormais confrontés à l’échelle planétaire à un enjeu déterminant pour l’avenir de l’humanité.
Bernard Chevassus-au-Louis a replacé historiquement la question et a souligné l’urgence d’adopter une philosophie éthique d’un humanisme élargi, plaçant l’homme non pas au-dessus de la nature mais en interaction avec elle.
Le professeur d’économie Christian de Perthuis nous a rappelé que si la nature n’a pas de prix, les systèmes de régulation naturels ont une valeur. Il a ouvert des pistes d’action pour les Parcs en nous encourageant à trouver les bonnes incitations pour contribuer à restaurer les écosystèmes naturels.
Au cours du débat, Michaël Weber a insisté sur le fait que les Parcs montrent dans leurs projets qu’on peut à la fois préserver la nature et générer des revenus.
Souligner le rôle original des Parcs pour s’occuper des biens communs a naturellement conduit à évoquer la Prix Nobel d’économie Elinor Orstrom.
Une nouveauté a été introduite cette année dans le déroulement du Congrès, afin de mettre en valeur le développement de travaux de recherche sur le territoire des Parcs régionaux. Avec l’appui de plusieurs de vos conseils scientifiques, nous avons pu organiser pour la première fois, mercredi matin, un atelier de présentation de 3 thèses réalisées en partenariat avec des Parcs. Les posters de ces thèses ont été exposés au marché des initiatives. Ces travaux ont été réalisés par : Nathalie Galland de l’université de Lyon 2 sur le thème « Inventer la gouvernance de l’agriculture de territoire à partir de l’expérience de 5 Parcs de la région PACA », Karine Lefebvre de Paris Orsay sur le thème « Diagnostic etquantification des flux nappe-rivière sur le bassin versant de l’Yvette » et Lucie Morere de l’université de Lille sur l’évolution des espaces protégés habités, sur base d’une comparaison entre le Parc de Scarpe-Escaut et des micro-territoires du Minas Gerais au Brésil.
Hier, nos ateliers ont illustré l’évolution des préoccupations des dirigeants des Parcs, précisément dans les relations Homme - Nature. Trois étaient centrés sur la nature :
- Comment la nature peut-elle être un levier d’émergence de nouveaux modèles de développement ?
- Jusqu’où laisser faire la nature ?
- Vivre le paysage
Et trois autres sur l’organisation sociale :
- Comment le lien social agit sur le changement des comportements ?
- Comment améliorer la santé par l’alimentation ?
- Le bien-être, est-il un indicateur de réussite territoriale ?
Comme d’habitude, les débats des ateliers ont montré la diversité des conditions de mise en œuvre selon les régions, et la capacité d’innovation des Parcs pour surmonter les tensions entre les différents acteurs d’un territoire.
Plusieurs fois, la question d’un éventuel élitisme associé à l’accès ou la protection de la nature a été posée. Ce soupçon d’élitisme est paradoxal quand on pense à ce que faisaient et comment vivaient nos ancêtres, mais la technologie et la diffusion des techniques industrielles nous en ont éloignés ; ils ont construit et construisent encore un écran étanche avec la nature. Dès lors, qu’il s’agisse de santé, d’alimentation, de bien-être, de paysage ou de développement économique, les Parcs vont devoir faire usage de talents de médiation, de pédagogie et d’outils originaux de mobilisation citoyenne pour permettre une réconciliation avec la nature. Divers conseils de conduite ont été donnés ou échangés : faire preuve d’humilité face à la nature, positiver, jouer la transparence, se projeter dans le futur, se donner un droit à l’erreur.
La relation à la nature s’est précisée et complexifiée : plus que le contrat, c’est l’image de l’interdépendance qui s’est imposée pour laquelle les territoires des Parcs peuvent être des « terrains d’expérience » d’une gestion adaptative, d’une négociation sans cesse renouvelée avec des acteurs économiques traditionnels, face à des velléités urbanistiques, des réglementations parfois contradictoires mais toujours contraignantes et des comportements consuméristes.
Et justement, les changements de comportements et les réponses aux aspirations étaient au centre des débats de plusieurs ateliers, car les Parcs ont une vision ambitieuse de l’humanité, au point qu’offrir du rêve ne leur fait même pas peur – pas seulement pour les habitants mais aussi pour leurs propres équipes. Pour réveiller votre curiosité, je citerai le nom de SPIRAL qui a littéralement euphorisé l’atelier sur le bien-être.
Finalement, une sorte de triptyque des registres sur lesquels les Parcs peuvent jouer pour permettre aux résidents et non-résidents d’appréhender une nouvelle relation à la nature, s’est esquissé : la participation, l’expérience d’un jour, le vécu quotidien.
Deuxièmement, pour revenir aux réflexions et travaux de l’année écoulée, la culture du bien commun s’est dégagée comme une caractéristique commune des Parcs.
Portés par des élus avec l’appui d’équipes pluridisciplinaires, les Parcs se positionnent bien en tant que médiateurs et expérimentateurs de projets de territoire. Dans une démarche « bottom-up », ils construisent une réflexion nouvelle sur les rapprochements entre économie et écologie en dépassant la problématique des conflits d’usage pour un projet de gestion partagée des biens communs du territoire.
La spécificité ou « plus value » de l’action des Parcs peut ainsi être caractérisée par leur capacité à conduire conjointement un ensemble d’activités types, avec des approches transversales et interdisciplinaires, et d’en assurer eux-mêmes le pilotage avec une participation des habitants et une prise de décision par les élus du territoire. Ce diamant qu’est la « plus value » des Parcs comporte et peut se décliner en 4 facettes :
- un projet de territoire piloté collectivement par les acteurs du Parc,
- une gestion des espaces et des paysages protégeant la biodiversité du territoire,
- un développement économique et social privilégiant la valorisation des ressources locales
- un idéal de qualité de vie et de bien-être de ses habitants (Cf. « une autre vie s’invente ici »).
Cette démarche intégrative est effectivement la signature des PNR. Elle est restée constante depuis la création des premiers Parcs ; elle s’est adaptée à la diversité des contextes dans chaque Parc et à l’évolution des politiques publiques depuis 1967.
Mesdames et Messieurs,
L’année dernière, l’université d’été s’était achevée avec une carte postale de vacances, par un rêve de natures (au pluriel) à partager et une longue liste de ce que nous devrions faire à l’avenir.
Cette année, nous avons choisi de terminer cette synthèse par des questions. Plus précisément, nous faisons la proposition aux instances de la Fédération de faire participer tous les Parcs à la préparation du manifeste 2017 en leur demandant de répondre à ces trois questions :
- Quelle est la réalisation du Parc dont vous êtes est le plus fier pour faire participer les acteurs économiques et sociaux à des relations Homme / Nature plus respectueuses de la biodiversité ?
- Quelle sont les 2 ou 3 expérimentations et innovations que vous envisagez de mettre en œuvre pour promouvoir à l’avenir une responsabilité collective des humains dans la gestion de l’écosystème naturel de votre territoire?
- Quelle est l’idée la plus importante que vous souhaitez mettre en avant dans le Manifeste du projet commun aux parcs naturels régionaux de France ?
La synthèse de ces contributions venant des 51 parcs nous semble essentielle à la construction d’un Manifeste des 50 ans afin qu’il soit réellement l’expression de la culture du bien commun du réseau des Parcs.
Je terminerai cette synthèse en reprenant les paroles fortes des représentants de la délégation équatorienne : Ensemble, nous devons être fiers de protéger la nature et la biodiversité pour rendre possible le maintien de l’espèce humaine. Ensemble, le futur est possible.
Je vous remercie de votre attention.