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Ukraine : quelle gestion des aires protégées en temps de guerre ?

Rangers in Verkhovynskyi National Park consult with FZS Ecological Monitoring Technician Maksym Vysochyn (centre) before heading out to the field. Crédits : FZS

Le millième jour de guerre en Ukraine a trouvé un écho particulier à Bakou, en Azerbaïdjan, lors de la COP29. La ministre ukrainienne de l’Environnement, Svetlana Grinchuk, y a dénoncé l’écocide perpétré contre son pays, chiffres à l’appui, tout en réaffirmant son engagement à « reconstruire plus vert » malgré l’ampleur des défis.

L’Ukraine vise la neutralité carbone d’ici à 2050, mais le conflit exacerbe les menaces environnementales. « Nous devons résoudre le conflit pour atteindre nos objectifs climatiques », a-t-elle rappelé, soulignant que les émissions de CO2 continuent d’augmenter en raison des incendies et explosions. Selon des estimations, près de 3 millions d’hectares de forêts ont été dévastés, et le coût des dommages environnementaux atteint déjà 71 milliards d’euros, un montant qui pourrait encore grimper.

La destruction du barrage de Kakhovka, en juin 2023, reste emblématique de ces ravages : inondation de 55 000 hectares de forêts, destruction des sols agricoles et déplacement de milliers de personnes.

Une biodiversité sous pression

Deuxième plus grand pays d’Europe, l’Ukraine consacre 70 % de ses terres à l’agriculture et abrite 35 % de la biodiversité européenne. Les habitats naturels subissent cependant une pression sans précédent :

  • Levée des restrictions environnementales : le parlement a autorisé l’abattage d’arbres au printemps et la déforestation pour répondre à la demande en bois de chauffage, avec un objectif d’augmentation de 150 % des récoltes de bois.
  • Impacts directs du conflit : incendies, explosions, et destruction des écosystèmes, certains étant considérés comme irrécupérables selon la ministre de l’Environnement.

Une solidarité internationale pour les parcs naturels

Face à ces défis, depuis 3 ans, la Fédération des Parcs naturels régionaux de France et son réseau des Parcs se mobilisent :

  1. Soutien au Parc national de Meotida (10 000 €) fin 2022 
    • Ce parc, situé sur les rives de la mer d’Azov, est devenu un refuge pour 50 000 déplacés. Les fonds ont permis de fournir des produits essentiels (alimentation, hygiène, médicaments).
    • La situation reste critique, les communications avec le parc étant interrompues, et la directrice ayant dû fuir en Allemagne.
  2. Contribution à la Frankfurt Zoological Society (20 000 €) en 2023 (cf rapport FZS)
    • Dans les Carpates, cette ONG allemande a soutenu 19 aires protégées en assurant :
      • Les frais de fonctionnement (carburant, réparations, etc.).
      • L’entretien des véhicules pour les patrouilles.
      • Les réparations des infrastructures et la construction de postes de gardes forestiers.
      • La distribution de 93 tonnes de produits alimentaires et sanitaires.
      • Le développement de programmes éducatifs et de nouveaux plans de gestion.
  3. Accueil d’une délégation ukrainienne dans le Parc naturel du Vercors (cf article Alpine Mag)
    • En juillet 2024, une délégation des Carpates ukrainiennes a été reçue dans le Vercors pour partager des expertises en gestion des parcs naturels et en développement touristique. Ces échanges ont abouti à des projets concrets, comme la géolocalisation de sentiers et l’équipement de falaises pour préparer l’après-guerre.

Perspectives : défis financiers et environnementaux

Malgré les efforts déployés, les financements internationaux dédiés à la protection de l’environnement en Ukraine demeurent incertains. Cette tendance se reflète également à l’échelle européenne, où les contributions publiques aux aires protégées connaissent une baisse préoccupante. Par exemple, les parcs naturels norvégiens ont vu leurs subventions étatiques drastiquement réduites cette année en raison des mesures d’austérité liées à la conjoncture de guerre.

Au-delà de leur valeur symbolique, les actions de solidarité entre aires protégées jouent un rôle fondamental pour préserver la résilience écologique et humaine face aux défis actuels.